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L'analyse micro-mécanique pour les milieux granulaires consiste à
considérer le matériau comme un assemblage de grains. Cette
analyse nécessite alors de munir les grains et leurs interfaces à
la fois de propriétés et de mécanismes spécifiques.
Les descriptions d'un ensemble de grains et des mécanismes aux
interfaces requièrent la prise en compte de paramètres
géométriques descriptifs du type d'assemblage considéré. Cette
condition est directement liée à l'analyse adoptée. Ainsi, une
étape typique à l'analyse micro-mécanique consiste en la
caractérisation morphologique d'assemblages. La forme des grains,
la distribution statistique adoptée pour décrire la répartition de
tailles de grains et le mode d'empilement au sein de l'assemblage
en sont des éléments génériques. Le calcul de la densité, au sens
de la fraction solide par unité de volume, s'effectue généralement
pour un ensemble de sphères [SCI62] ou de polyèdres
[ARZ82]. Chaque grain est supposé en contact avec son
voisinage, le nombre de contacts par grain étant conditionné par
le mode d'empilement étudié. Ce calcul de la densité est mené
indifféremment avec des poudres lâches sans cohésion ou des
empilements de grande densité suite aux déformations plastiques
engendrées par la compression. Deux paramètres importants
caractérisent les assemblages, la surface moyenne pour chaque
contact entre deux grains et le nombre de coordination moyen par
grain [ARZ82][GER94]. Pour des grains supposés
sphériques, la surface se réduit idéalement au contact ponctuel.
La notion de coordination définit le nombre de contacts établis
par un grain avec ces voisins. Pour des grains circulaires ou
sphériques de taille unique, le nombre de coordinations est
compris par exemple entre 3 et 6 (valeur maximale) pour des
assemblages bidimensionnels, et entre 3 et 12 (compacité maximale,
structure cubique à face centrée) pour des assemblages
tridimensionnels. Ce nombre peut atteindre la valeur de 14 pour le
cas de polyèdres caractérisant la forme de grains après
densification totale [GER94]. Lorsqu'un ensemble de grains
circulaires de diamètres différents est considéré, il existe des
corrélations possibles entre la distribution statistique des
tailles, le nombre de coordinations moyen et la densité
[NK93]. Pour cet exemple qui concerne un cas bidimensionnel,
le nombre de coordinations moyen peut atteindre une valeur de
l'ordre de 7. Par ailleurs, il existe de nombreuses configurations
pour les arrangements aléatoires de grains de tailles variables
pour définir une même densité moyenne.
Suite à cette description morphologique, il convient de définir
les mécanismes qui régissent le comportement de l'assemblage. Lors
de l'analyse de ce type d'approche pour la simulation de la
compression à froid en matrice, il convient de distinguer les
différentes phases du procédé. Les aptitudes potentielles de la
modélisation micro-mécanique devront être distinguées suivant que
l'intérêt se porte sur les phases de remplissage ou de
densification en cours de compression. En effet, les mécanismes et
propriétés majeurs à prendre en compte sont très différents lors
de ces deux phases. Il en découle deux classes de modèles
micro-mécaniques aux caractéristiques, difficultés et mises en
uvre différentes.
Le matériau est pulvérulent lors de la phase initiale de
remplissage, le comportement spécifique de l'ensemble des grains
non cohésifs est intermédiaire entre l'état solide et l'état
liquide. Ainsi, des particules initialement voisines dans le sabot
de remplissage peuvent être fort éloignées l'une de l'autre une
fois les matrices remplies. L'ambition des modèles pour cette
phase du procédé consisterait essentiellement à simuler une
"avalanche" de poudre en vue de prévoir une distribution de
densités en fin de remplissage. La distribution des densités est
conditionnée a priori par de nombreux paramètres tels que la forme
et la taille des grains, les frottements, l'action de la
pesanteur, les hauteurs de chute, la forme de la cavité et la
vitesse du sabot. Il s'avère dans ce contexte que la mécanique des
milieux continus semble inopérante pour aborder ces combinaisons
de paramètres et de phénomènes conduisant à des distributions de
densités variables suivant les conditions de remplissage imposées.
Les approches inspirées de la mécanique des milieux discrets
semblent par contre mieux adaptées [CS79].
Les modèles de simulation de la dynamique des éléments distincts
sans cohésion permettent des simulations bidimensionnelles de
l'écoulement de milieux pulvérulents [TKT93]. Les grains sont
caractérisés par leur forme (très généralement circulaire), un ou
plusieurs diamètres pour tenir compte d'une population de grains à
tailles différentes, une masse volumique. Les mécanismes
caractéristiques des interactions aux interfaces des grains
peuvent être rigides ou visco-élastiques, avec ou sans frottement.
Dans le contexte de la simulation de l'écoulement gravitaire des
poudres, chaque élément discret (chaque grain) est supposé
indéformable et soumis au principe fondamental de la dynamique.
Lorsque des mécanismes d'interactions de frottement et de
visco-élasticité sont introduits, les forces agissantes entre deux
éléments sont modélisées comme l'action de ressorts, patins et
amortisseurs visqueux. Si le contact entre ses deux éléments est
déclaré actif par la simulation, les forces normales et
tangentielles sont calculées au point de contact. Les méthodes
itératives de résolution numérique ont pour point commun de
calculer pour chaque élément discret l'équilibre dynamique lors de
l'écoulement et du réarrangement simulé. Le respect du principe
fondamental de la dynamique pour chaque élément discret doit donc
être résolu au cours du temps avec le respect d'un critère de
précision. Les travaux récents de Vidales &
al.[VKH01] portent sur la simulation bidimensionnelle de la
dynamique de réarrangement de 10 000 disques contenus dans une
matrice rectangulaire avec des empilements initiaux différents
(nombres de coordinations initiaux différents). Cette étude montre
que le nombre de coordinations après "vibration numérique" est de
l'ordre de 4, ceci pour toutes les distributions initiales de
contacts. Ce type de simulation est en correspondance avec la
phase de vibration des matrices parfois pratiquée dans l'industrie
après le remplissage.
L'analyse micro-mécanique de la phase de compression requiert la
détermination des évolutions des forces de contact et des surfaces
de contact entre grains. En effet au cours de cette phase, les
poudres dites ductiles comme le cuivre ou le fer enregistrent à
l'échelle microscopique de grandes variations géométriques de la
forme des grains. Le nombre de coordination et les surfaces de
contact ne cessent d'augmenter tandis que la fraction volumique
des pores diminue [ARZ82]. Lorsque la contrainte appliquée
est encore très faible les grains se réarrangent, ceux-ci sont
essentiellement sollicités par l'intermédiaire des surfaces de
contact par un mécanisme élastique
avec frottement [CS79] [KS93].
Lorsque l'état de contraintes continue à augmenter, les grains
vont se déformer plastiquement. Il convient pour aborder ce type
de modélisation de tenir compte à la fois des grandes variations
de forme des grains et de leur comportement plastique. Cette
analyse a été menée en 2D par A.R. Akinsanya &
al.[ACF94], [AC95] pour le cas d'un assemblage compact
de cylindres de diamètre unique.
Du point de vue du comportement micro-mécanique, un des aspects
fondamentaux concerne la modélisation de l'indentation
sphère-plan. Il s'agit en effet de déterminer les relations entre
les évolutions de contraintes et déformations lorsqu'une particule
initialement cylindrique est plastiquement déformée par un
accroissement de surfaces de contact planes. Le comportement
plastique des grains est étudié par deux méthodes, une théorie
plastique dite des lignes de glissement [HIL50] et par un modèle éléments finis qui consiste à mailler les
particules. Le comportement des grains est généralement supposé
rigide parfaitement plastique. L'objectif de cette étude croisée
est de confirmer la valeur de la pression moyenne aux contacts
établis sur chaque grain et la forme des porosités en cours de
densification.
Cette étude a permis le tracé des surfaces de charge fonction de
la densité. Ces surfaces sont constituées de segments de droites
ce qui est inhérent au caractère très ordonné de l'empilement
initial présupposé (empilement bidimensionnel dense, nombre de
coordination de 6). Le comportement mécanique modélisé est ainsi
conditionné par les directions de contact privilégiées à
l'assemblage global. Ce premier point diffère fortement des
résultats expérimentaux, des allures des surfaces de charge
identifiées par mesure avec la cellule tri-axiale de révolution.
De plus, la densité relative initiale supposée pour ce modèle
(0,9) est très nettement supérieure aux densités relatives
initiales pour les poudres de fer suite au remplissage.
Un modèle spécifique à la compression à froid d'un assemblage
aléatoire de sphères de taille unique a été proposé par Fleck
[FKM92], [FLE95]. La densité relative initiale est pour
ce modèle de 0,64. Ce modèle propose une transition micro-macro.
En effet, le tenseur macroscopique des contraintes se déduit de la
puissance plastique dissipée fonction du tenseur macroscopique des
taux de déformation. Par ailleurs, la puissance plastique
macroscopique se déduit par une intégrale qui tient compte de
l'ensemble moyenné des contributions microscopiques de dissipation
aux contacts entre grains. Les directions de l'ensemble des
contacts entre les grains sont donc prises en compte au cours de
l'intégration spatiale des contributions microscopiques. Ce modèle
permet également de tenir compte d'une cohésion entre les grains
par l'intermédiaire d'un paramètre variant de 0 (aucune cohésion
en traction) à 1 (contrainte limite en traction égale à la
contrainte limite en compression).
Figure 2.2.2:
(a) Volume macroscopique représentatif d'un
agrégat de poudre sous chargement axisymétrique (b) Forme
de la surface de charges en fonction des contraintes axiale et
radiale macroscopiques (c) Comparaison de surfaces de
charges pour une distribution isotrope des contacts et le modèle
phénoménologique de CamClay (pointillés) (d)Surface de
charges comparées au critère phénoménologique de Gurson
(pointillés) pour différentes densités relatives
D.
|
Les formules déduites de ce modèle sont introduites dans une
procédure numérique qui calcule point par point la forme de la
surface de charges caractéristique du comportement d'un volume de
matière contenant beaucoup de grains. Ce nuage de points devient
alors la référence pour la recherche d'une forme mathématique
adaptée, fonction de l'état de contraintes macroscopique. La forme
mathématique proposée pour les surfaces de charges respecte le
principe de normalité. L'ajustement des paramètres de cette forme
est réalisé numériquement par une méthode des moindres carrés
appliquée au nuage de points préalablement défini par la
transition micro-macro. Ces surfaces, comme le nuage de points
présentent des "vertex", c'est-à-dire que certains points de
l'espace des contraintes présentent des discontinuités de
l'orientation de la normale à la surface. Cet aspect particulier
du comportement simulé n'a pas été observé expérimentalement. De
plus, la forme de la surface de charges proposée est insensible à
la densité relative ce qui n'est pas non plus en accord avec
l'expérience [FKM92].
L'analyse micro-mécanique par l'intermédiaire de la modélisation
par éléments distincts semble une voie prometteuse pour la
simulation de la phase de remplissage. Il demeure que des
dispositifs expérimentaux spécifiques doivent être parallèlement
développés pour les poudres industrielles afin de confirmer les
résultats des simulations. Plus globalement, la modélisation du
comportement dynamique par éléments distincts représente un axe de
recherche d'avenir pour aborder les phases de remplissage, de
vibration voire de transfert pour lesquelles il n'y a pas encore
de forte cohésion entre les grains. Elle permettrait de prédire la
distribution des densités et le réseau des contacts entre les
grains avant le début de la compression. Ces deux aspects sont
importants pour prédire le comportement de l'ensemble de la poudre
aux tous premiers instants de la compression. Concernant les
réalités de la phase de remplissage par translation rapide d'un
sabot, des simulations tridimensionnelles semblent nécessaires. En
effet, le remplissage de cavités annulaires par translation
rectiligne ne produit pas a priori d'écoulement axisymétrique par
rapport à la direction de la gravité qui est parallèle à l'axe de
révolution de la cavité.
Au sens des références bibliographiques présentées, les modèles
micro-mécaniques adaptés à l'analyse de la compression semblent
nécessiter des développements. En effet, les propositions de
description du comportement plastique des grains et des mécanismes
aux interfaces conduisent au regard des résultats de la
littérature à des modèles macroscopiques qui ne sont pas corrélés
aux données expérimentales. Il convient parallèlement de
reconnaître à ces méthodes leurs capacités potentielles. En effet,
elles devraient permettre de prédire les effets de trajet en
fonction de l'histoire des sollicitations imposées sur la base des
mécanismes à l'échelle des grains.
Concernant la mise en
uvre des modèles micro-mécaniques au sein
d'un outil numérique pour la simulation la phase de compression,
trois points restent à souligner. Lors de la simulation de la mise
en forme d'une pièce industrielle, l'utilisation de modèles
éléments finis semble particulièrement adaptée. Dans ce contexte,
le modèle micro-mécanique doit, au travers de la transition
micro-macro, simuler la réponse mécanique à l'échelle
macroscopique d'assemblages constitués de très nombreux grains. La
validation de ces modèles micro-mécaniques requiert le
développement de dispositifs expérimentaux particuliers. Il
s'agirait par exemple de mesurer des orientations de surfaces lors
de la caractérisation de types d'empilement et des surfaces de
contact moyennes en fonction de la densité.
Il a été choisi au début de cette thèse d'opter pour une approche
phénoménologique. Il s'agit en effet de l'approche la plus directe
pour évaluer les capacités de modèles éléments finis à simuler le
procédé industriel pour de nombreuses phases (de la compression à
l'éjection). Les données expérimentales existantes sont par
ailleurs directement exploitables avec l'approche phénoménologique
(sollicitations homogènes appliquées sur les volumes de poudre de
l'ordre du centimètre cube).
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FRACHON Arnaud
2002-11-12