Les outils sont supposés parfaitement rigides. Le modèle de
frottement de Coulomb est déclaré aux interfaces communes des
lignes représentatives des outils et du massif de poudre. Les
évolutions des paramètres du modèle Drucker-Prager/Cap sont
identifiées à partir de l'essai triaxial de révolution. Seule la
phase de compression est simulée.
Un rappel de la cinématique des outils est fourni par le tableau
(6.3.1). La masse de la pièce est de 489.20 g. Les hauteurs
initiales H1 et H2 valent respectivement 28.45 mm et 54.74 mm.
Tableau 6.3.1:
Cinématique des poinçons pour la pièce E
(s)
(mm/s)
(s)
(mm/s)
1.11
25.86
0.82
14.66
(s)
(mm/s)
(s)
(mm/s)
0.39
12.14
0.96
19.44
Le maillage utilisé pour la simulation de mise en forme par la cinématique E est
illustré par la figure 6.3.3.
Figure 6.3.3:
Maillage de la pièce en L pour la cinématique E
À l'occasion de l'analyse détaillée de ce premier cas, une
illustration peut être faite afin d'expliciter le phénomène de
transfert de poudre au cours de la compression. Il est possible
d'appréhender cette cinématique en observant l'évolution de deux
volumes déterminés par des "colonnes". Considérons une première
colonne C1 qui inclut les zones 3 à 5 et une seconde colonne C2
qui correspond aux autres zones de la pièce. Les vitesses de
compression6.1 respectives
de ces colonnes déduites de la cinématique sont illustrées par la
figure 6.3.4.
Figure 6.3.4:
Définition des deux colonnes et vitesses de compression respectives
au cours du temps
Le phénomène de transfert de poudre au cours de la compression
fait référence à la migration de grains initialement contenus dans
la colonne C1 (resp. C2) vers le volume circonscrit par la colonne
C2 (resp. C1). Ce phénomène induit un transfert de masse entre les
deux colonnes au cours de la compression. En supposant une densité
initiale homogène et une masse constante de chacune des colonnes
au cours de la compression, les masses volumiques moyennes en fin
de compression des colonnes C1 et C2 sont respectivement
7.3 et 6.81. Les valeurs expérimentales (voir
tableau 6.3.2) démentent ce résultat analytique car la
densité moyenne mesurée pour la colonne C1 est inférieure à celle
de la colonne C2. Compte tenu des évolutions relatives des
vitesses de compression des colonnes C1 et C2 (voir figure
6.3.4), il n'est pas aisé de prévoir l'effet du
phénomène de transfert sur la distribution finale de densité au
sein de la pièce. De plus, le raisonnement mené pourrait être
globalement remis en cause si l'on considère une distribution
initiale hétérogène suite au remplissage. Concernant ce dernier
point, il convient de rappeler que les simulations numériques sont
réalisées en supposant la répartition de densité initiale
homogène.
Il résulte de ces considérations que le premier apport de la
simulation numérique serait de prédire avec une bonne précision la
distribution spatiale de densité en fin de compression. Une
prédiction correcte du phénomène de transfert ou de migration de
la poudre entre différentes régions de la pièce est à cet égard
requis.
Afin d'apprécier les résultats issus des modélisations par
éléments finis, la figure 6.3.5 permet la comparaison des
répartitions de masse volumique simulée et mesurée. Ces mêmes
informations sont reportées dans le tableau (6.3.2) qui
intègre le calcul des différences relatives entre les masses
volumiques simulée et mesurée suivant les cinq zones précédemment
décrites. La simulation numérique produit des répartitions
spatiales de densité hétérogènes dans chacune des cinq zones de
mesure expérimentale des masses volumiques. Les valeurs proposées
comme résultats de la simulation pour chacune de ces zones sont
obtenues en calculant une moyenne suite à l'extraction des valeurs
associées à chaque élément fini.
Figure 6.3.5:
Résultats de la répartition de densités dans la pièce E
Tableau 6.3.2:
Résultats de la comparaison entre les mesures
expérimentales et la distribution de masse volumique simulée dans
la pièce E
masses volumiques en
zone 1
zone 2
zone 3
zone 4
zone 5
mesure
6.97
7.02
7.04
6.83
6.78
simulation
6.95
6.99
7.27
6.85
6.72
différence relative (%)
0.339
0.499
-3.153
-0.294
0.951
Les écarts relatifs calculés par rapport aux mesures sont assez
faibles comme l'indique le tableau (6.3.2). Contrairement
aux résultats analytiques obtenus en ayant supposé aucun transfert
entre les colonnes C1 et C2, la simulation numérique prévoit des
masses volumiques par zone plus cohérentes avec l'expérience.
Notamment, le modèle prédit un transfert de poudre de la colonne
C1 vers la colonne C2. Le modèle prévoit avec une assez bonne
précision les masses volumiques moyennes des zones 1 et 2 qui sont
incluses dans la région occupée par la colonne C2.
La masse volumique simulée dans le bas de la jupe (zone 5) est
plus faible d'un écart de 0.06 de la valeur expérimentale.
Cet écart mérite quelques commentaires. Toute chose étant égales
par ailleurs, il serait possible de corriger cette prédiction en
supposant une distribution de densité initiale hétérogène. Plus
précisément, il conviendrait d'augmenter très légèrement la
densité initiale dans le bas de la jupe. Cette hypothèse va
cependant à l'encontre de ce qui est communément admis, à savoir
que la densité initiale en bas de la jupe est légèrement moins
élevée que dans les autres zones de la cavité. Cet aspect demeure
à ce jour une question ouverte car les données expérimentales en
rapport avec des distributions de densité au remplissage ne sont
pas disponibles. Il est également possible d'imputer cette
différence à un gradient trop hétérogène de la densification
simulée. Une telle hétérogénéité est essentiellement due au
frottement entre la poudre et l'outillage. Ainsi, les efforts de
compression imposés par l'outillage ne sont pas intégralement
transmis au sein de la pièce. Comparativement aux autres zones de
la pièce, le frottement perturbe dans cette zone plus fortement la
transmission des efforts de compression car l'épaisseur de la jupe
est faible. Outre la géométrie de la pièce, il est important de
rappeler que la cinématique de la pièce E joue aussi un rôle très
important. Le coefficient de frottement est supposé constant au
cours de la compression, alors qu'il décroît en réalité ainsi que
l'ont mis en évidence Pavier & al. [PD97] et
Bonnefoy [BON01]. Une telle approximation ne semblerait donc
pas bien adaptée pour simuler au mieux la densification de la zone
numéro 5.
L'influence conjuguée de la cinématique et du frottement simulé
peut être également relevée à propos de la surestimation marquée
dans la zone 3 (écart de 0.23). Le résultat numérique
prévoit une masse volumique maximum de l'ordre de 7.32 à
l'angle supérieur droit de la zones 3. Indépendamment de la
surestimation de la masse volumique moyenne de la zone 3, il
convient de souligner que la cinématique imposée et le frottement
doivent en effet conduire à une masse volumique maximum à cet
angle. Le gradient de densité simulé suivant le rayon de la pièce
est particulièrement élevé dans la zone 3. Parallèlement, la
simulation sous-estime la masse volumique de l'ensemble de la
région (toile) qui inclut les zones 1 et 2. Le transfert de poudre
équivalent à un transfert de masse ne semble donc pas avoir été
suffisamment reproduit par la simulation.
Afin de poursuivre la procédure de validation, il convient
également de comparer les efforts simulés et mesurés. La
comparaison porte sur les efforts maximaux enregistrés en fin de
compression. Les champs de contrainte simulés sont hétérogènes,
ainsi une procédure d'intégration numérique a été mise en uvre
afin d'associer à chaque surface d'outillage une valeur d'effort.
Le tableau (6.3.3) présente la comparaison des valeurs
expérimentales et simulées pour chaque poinçon et les écarts
relatifs associés.
Tableau 6.3.3:
Résultats de la comparaison entre les efforts maximaux
mesurés et simulés pour la pièce E
forces en MN
poinçon supérieur
poinçon inférieur
poinçon inférieur
extérieur
intérieur
mesures
-2.79
0.53
1.94
simulation
-2.77
0.399
2.27
différence relative (%)
1
33
-14
Ce tableau indique des écarts relatifs assez importants pour les
poinçons inférieur extérieur et inférieur intérieur. Il est à
noter que la sous estimation de l'effort sur le poinçon inférieur
extérieur coïncide avec la sous estimation de la densité de la
zone 5. L'effort simulé pour le poinçon supérieur est égal à la
mesure. Le poinçon supérieur est en contact avec les sommets des
zones 1, 2 et 3. Les densités moyennes simulées sont
respectivement sous-estimées de la zone 1 à la zone 2 et
surestimée en la zone 3. La procédure d'intégration de la
contribution verticale du champ de contrainte sur la surface
supérieure de la toile conduit finalement par effet de moyenne à
une valeur d'effort simulé très proche de l'expérience.
L'ensemble de la simulation est réalisée sans remaillage. Ceci est
rendu possible par la connaissance, suite à quelques essais, des
répartitions de déformation induites par la phase de compression
simulée. Muni de cette connaissance préalable, l'étape
préparatoire au calcul consiste alors en la définition d'un
maillage initial qui ne sera pas soumis à des dégénérescence de
maillage d'amplitudes trop fortes. Un exemple de mise en uvre de
la procédure de remaillage intégrée au code ABAQUS est proposée au
paragraphe 6.4.
Le comportement du maillage à l'angle interne de la pièce produit
un effet qui pourrait être interprété comme la formation d'une
fissure pendant la compression. Ceci coïncide avec les
observations expérimentales qui attribuent ce défaut à la
cinématique spécifique à la pièce E. La figure 6.3.6
Figure 6.3.6:
Extraction des déformations volumiques plastiques dues au mécanisme de
Drucker/Prager. Formation envisageable de la fissure pendant la phase de
compression de la pièce E
montre le soulèvement du matériau au coin du poinçon inférieur
intérieur, signifiant la monté relative de la jupe6.2 par rapport à la toile6.3. La
figure 6.3.6 correspond à une extraction de valeurs
particulières au mécanisme de Drucker/Prager au sein de l'ensemble
des fichiers numériques produits par la simulation. Lorsque la
valeur de la déformation volumique plastique associée est non
nulle, l'état de déformation est fortement déviatoire au sens où
le rapport Q/P est suffisamment élevé pour activer le mécanisme de
Drucker/Prager. Les régions de la pièce concernées par une valeur
non nulle sont donc soumises à un état de déformation à fortes
composantes de cisaillement.
La seule région fortement cisaillée correspond à l'angle interne
de la pièce. Le soulèvement observé est a priori à mettre au
compte de la méthode des éléments finis (sans remaillage pour ce
cas). En effet, ce soulèvement à l'angle de la pièce est
systématiquement reproduit pour toutes les simulations. Ainsi, les
pièces simulées pour lesquelles aucune fissure de ce type n'a été
observée expérimentalement sont également concernées par ce type
de soulèvement. La fiabilité de ce comportement à l'angle comme
indicateur de la formation de fissure peut être alors remise en
cause. Afin de proposer une explication, il convient de rappeler
que chaque élément fini est associé à une masse de matière fixée,
les frontières de chaque élément étant définies par les fonctions
d'interpolation et leurs évolutions. Par ailleurs, chaque
élément fini est lié à ces voisins par les noeuds en communs.
L'initiation et les conditions (états de contrainte et de
déformation déviatoires) numériques du soulèvement interviennent
très précocement au cours de la simulation. La poudre est en
réalité un matériau pulvérulent non cohésif au premier stade de la
compression, il est donc probable que le matériau s'écoule sans
pouvoir accommoder la moindre déformation en cisaillement imposée
par certaines cinématiques. La modélisation éléments finis mise en
uvre ne peut pas être prédictive pour simuler l'apparition
d'une telle phénoménologie spécifique au caractère pulvérulent du
matériau.
Les états de contraintes en fin de compression sont présentés sur
les figures 6.3.7, 6.3.8 et 6.3.9
afin d'observer l'état de sollicitations de la poudre.
Les figures 6.3.7 présentent l'état de contraintes au
travers des invariants p et q. La pression isotrope p indique
notamment la capacité de la pièce à se dilater isotropiquement
(par le lien entre la déformation volumique élastique et la
pression isotrope au travers du modules élastique isotrope). Par
ailleurs, le gradient de pression isotrope qui est observé au
contact avec la matrice indique la possibilité de ruine par usure
prépondérante localisée. Ceci est confirmé par l'état de
contraintes radiales
sur la figure 6.3.9.
Quant au gradient des pressions isotropes sur le le poinçon
supérieur (UP), il indique la possibilité d'un écaillage du
revêtement. Cet effet est confirmé par l'état de contraintes
axiales
sur la figure 6.3.8.
L'état de contraintes équivalente de Von Mises illustré par la
figure 6.3.7 présente la proximité du coin intérieur
(concave) comme étant soumis à des contraintes déviatoire. Ceci
est révélateur de l'histoire de sollicitation. En effet, dans ce
lieu la poudre à été déformée par écoulement nécessitant des
efforts de cisaillement. Cette observation est corrélé par l'état
de contraintes en cisaillement
illustré par la
figure 6.3.8.
Figure 6.3.7:
État de contraintes dans la pièce E : pression isotrope (à gauche)
et contraintes équivalente de Von Mises (à droite)
Il est à noter que les niveaux de contraintes déviatoires q sont
relativement élevés dans l'ensemble de la pièce. Ceci pourrait
indiquer que le mécanisme de ruine (Drucker-Prager) est sollicité.
Or, pour une grande partie de la pièce, la pression isotrope
correspondante tant à montrer que c'est le mécanisme de
densification (Cap) qui est mis en uvre. La seule zone ruinée
est celle se situant à proximité du coin intérieur. Ainsi, il
semble que la contrainte équivalente de Von Mises tendrait à
indiquer une fissuration. Or, Il faut prendre en considération la
déformation artificielle du maillage qui fausse la détection
d'apparition des fissures.
Figure 6.3.8:
État de contraintes dans la pièce E : contraintes
axiales
(à gauche) et les contraintes de
cisaillement
(à droite)
Figure 6.3.9:
État de contraintes dans la pièce E : contraintes radiales
(à gauche) et les contraintes orthoradiales
(à
droite)